lundi 16 janvier 2017

La finance en 2017, brève tendance vs pronostic

Pour certains, les deux premières économies du globe, les USA et la Chine, sont les deux moteurs de la croissance mondiale.

Voilà qui n'annonce rien de bon... Pourquoi ?

La croissance chinoise ne repose que sur des investissements massifs consentis dans la construction : immobilier, infrastructures de transports, etc.
Cela ne vous rappelle rien ?
Mmm... l'Espagne des années 2000 ? le miracle (mirage ?) ibérique devenu cauchemar dès la crise de 2008, jusqu'à aujourd'hui, et pour (très) longtemps encore.
Mais la recette castillane est remise au goût du jour à la mode cantonaise : pour investir, on s'endette, jusqu'à l'indigestion.
Le modèle a ses limites (les arbres ne poussent pas jusqu'au ciel) et les premiers symptômes d'essoufflement de l'économie chinoise ne vont pas tarder à apparaître.
Un des signes avant-coureur est déjà survenu : les chinois fortunés sortent leur argent de leur pays (ce qui montre la confiance qu'ils ont dans leur économie), pour éviter le risque d'une chute du yuan qui les ruinerait.
En parallèle, les réserves de change baissent alors que la dette chinoise continue de monter.

De son côté, le président élu Trump a annoncé une relance budgétaire (qui augmentera encore le déficit public), pour lui aussi investir dans la construction (dont un certain mur, qui ne sera pas payé par le Mexique, quoiqu'il en dise...) et les infrastructures, de pair avec une politique protectionniste pour protéger l'économie américaine des importations venant de l'étranger.
Mais comme les USA se financent jusqu'ici en bonne partie grâce à l'épargne internationale, est-ce que le reste du monde consentira à continuer à lui prêter, s'il n'est plus possible d'y exporter leurs biens et services ?
L'alternative pour les USA sera donc de financer à nouveau eux-mêmes leur déficit via un quatrième QE (création de monnaie via un assouplissement quantitatif), ce qui revient à faire tourner la planche à billets.
Malgré cela, il n'y aura aucune hausse de l'inflation (à l'instar du modèle japonais, autre exemple de cuisine économique indigeste), et la réserve fédérale US renoncera à remonter ses taux d'intérêts.
Rien de plus logique, au vu de l'endettement abyssal US, présent et futur.
Mais attention, en matière de dettes, les arbres aussi ne montent pas jusqu'au ciel.

Fred Deion

samedi 14 janvier 2017

Interview de Daniela Cerqui "les robots et nous"

Une fois n'est pas coutume, un peu de science-fiction.
Car quand celle-ci interpelle et nous remet à notre juste place dans l'échelle du temps, elle vaut ce petit détour.
Dans l'émission citée en titre, Daniela Cerqui, anthropologue de la technique à l'université de Lausanne, est brièvement intervenue hier sur la RTS en répondant à la question : "Les robots sont-ils notre futur ou notre fin ?"
Voici sa réponse :
"Le schéma évolutionniste nous dit que la nature va du plus simple au plus complexe, et qu'il n'y a pas de raison que nous soyons l'aboutissement. Cela veut dire que ce "nous" du futur, ce ne sera pas "nous". Ce sera soit un être qui ne se qualifiera plus d'"homo", que ce soit sapiens ou autre chose, et qui considérera que l'humain est une espèce comme nous considérons le singe, ou alors se considéreront-ils comme homo sapiens sapiens sapiens, et considéreront notre espèce comme étant une espèce inférieure à l'échelle de l'évolution. C'est vrai que l'humain est une espèce parmi d'autres; beaucoup d'espèces ont disparu. Finalement, pourquoi est-ce que la notre ne disparaitrait pas ? (...) Dans ce cas, nous serions la première espèce à avoir programmé sa propre disparition."
Cette mise au point dérangeante qui remet en question notre prééminence vaut la peine d'être méditée... au même titre que cette lecture supplémentaire mérite le détour : http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-le-grand-entretien/20140713.RUE4934/quand-nous-serons-tous-des-cyborgs-il-sera-trop-tard.html

Fred Deion

Source audio utilisée pour la retranscription de l'interview dans cet article :
http://www.rts.ch/play/radio/le-journal-du-matin/audio/les-robots-et-nous-55-les-robots-sont-ils-notre-futur-ou-notre-fin?id=8287565

lundi 9 janvier 2017

2016, buzz vs ce qui aurait du être médiatisé

(article également publié sur le site http://lesakerfrancophone.fr/

Chaque fin d'année, il est de coutume pour les médias de passer en revue les principaux événements qui ont jalonné les douze derniers mois.
Nous n'avons donc pas échappé à cette tradition, et pour 2016 cela a donné à peu près ceci :
  1. fraudes et malversations en tout genre, des Panama papers à la FIFA, jusqu'aux football leaks. Pour rester sur le thème du sport, mentionnons encore les dérapages du hooliganisme (pendant l'Euro) et du dopage (JO). Cette liste est malheureusement loin d'être exhaustive (scandales de corruption au Brésil, en Afrique du Sud et ailleurs, financements de partis politiques, évasion fiscale, etc.)
  2. élections et votations qualifiées de "populistes" :  Brexit, Trump, référendum italien... pas besoin de chercher bien loin les raisons de cette colère citoyenne : le point 1 ci-dessus devrait fournir un début de réponse (mais pas seulement). Les "élites" ne doivent donc pas s'étonner de leur perte de crédibilité auprès d'électeurs qui n'ont plus confiance dans le système, auprès de contribuables qui attendent que l'Etat qu'ils financent par leurs impôts soient à leur service et agissent dans leur intérêt. On en est loin : on a plutôt d'un côté des citoyens laissés-pour-compte, et d'un autre côté des élites qui font le choix de l'enrichissement personnel (y compris par des moyens illégaux), plutôt que de l'exemplarité (eu égard aux avantages licites dont ils bénéficient déjà). Le verdict des urnes en devient donc d'une haute prévisibilité et la sanction se traduit enfin par des votes de défiance.
  3. guerres en Syrie, Irak, Afghanistan, Lybie (pour ne citer que les conflits les plus médiatisés; des dizaines d'autres n'ont en effet pas l'honneur des titres). Au sujet du Proche et Moyen-Orient, on ne rappellera jamais assez que le vide sécuritaire laissé après les interventions militaires illégales occidentales (sous le faux prétexte de trouver des armes de destructions massives inexistantes) ont fait dans ces pays le lit du chaos et de l'anarchie, du djihadisme et de la barbarie, puis de l'immigration massive et incontrôlée vers l'Europe (qui reçoit plus d'un million d'immigré en 2015), et enfin du terrorisme international (les villes les plus régulièrement touchées étant Bagdad, Kaboul, Istanbul, alors que les attentats qui ont eu le plus d'échos en 2016 sont ceux de Bruxelles, Orlando, Nice et Berlin).
Abordons maintenant les sujets qui ne figurent pas à la une des rétrospectives de l'année, alors qu'ils constituent des tendances lourdes qui ne devraient en aucun cas être ignorés :

1) fragilité du système financier :
  • les politiques monétaires non conventionnelles (assouplissement quantitatif (QE)/rachat de dettes, taux zéros ou négatifs) menées par les banques centrales depuis 2008 sont inefficaces (aucune relance de la consommation ni de la croissance). Leur seul effet a été d'injecter de l'argent  dans les circuits financiers et ainsi de doper les cours boursiers, créant la plus grande bulle financière de l'histoire.
  • à l'inverse, ces taux zéro ou négatifs ont des effets déflationnistes et encouragent l'emprunt.
  • augmentation des transactions sans cash : la suppression du cash permettra effectivement d'imposer des taux négatifs à toute la population, ce qui reviendra à introduire un impôt sur l'épargne. De plus, qu'adviendra-t-il des dépôts en cas de problème informatique ou électrique ? Au vu du manque de confiance cité plus haut, les citoyens accepteront-ils de de céder à leurs gouvernants le pouvoir de contrôler, de manipuler, de confisquer leur épargne ?
  • surendettement croissant et massif de tous les acteurs économiques (Etats, entreprises, ménages). Pour prendre l'exemple américain, la dette US sur les cartes de crédit s'élève à $ 1000 milliards, celle sur les  prêts automobiles à $ 1100 milliards, celle sur sur les prêts étudiants à $ 1200 milliards, l'endettement total des ménages se monte à $ 12'290 milliards, la dette US corporate (entreprises) à $ 6'600 milliards, celle de l'Etat fédéral américain à $ 19'000 milliards... à quand la crise des subprimes, bis ?
  • problématique des banques trop grosses pour faire faillite toujours pas résolu (voir le récent sauvetage public des banques italiennes qui coûtera 20 milliards d'euros au contribuable cisalpin).
  • développement de la finance de l'ombre (shadow banking), qui n'est solvable que si les taux d'intérêts restent à zéro. S'ils remontent, krach garanti, et faillites d'entreprises en cascade assurées.
  • bulles boursières, spéculatives, de crédit (dette pourrie d'entreprises peu solvables, avec risque élevé de défaut). Si la bulle éclate, krach avec menace de contagion à tout le système financier (les craintes de faillites poussent les banques à ne plus se prêter de l'argent entre elles, donc tout le système de crédit se bloque; or, l'économie réelle a aussi besoin d'avoir accès au crédit pour commercer, acheter, vivre; donc sans crédit, plus de commerce, et sans commerce, tout s'arrête).
2) évolutions démographiques (contradictoires en apparence) : surpopulation mondiale (qui pèse sur les ressources) et vieillissement des populations dans les pays développés (qui pèse sur les pensions). Mais certains continuent toujours à espérer une baisse de l'âge de le retraite... 

3) corollaire du point précédent, raréfaction des ressources, couplée à la fragilité de nos systèmes d'approvisionnement qui nous fournissent en eau, alimentation, énergie, soins. D'où l'importance de produire et consommer local, décentraliser nos infrastructures pour qu'elles soient résistantes, durables et résilientes.

Alors, à quand la fin du buzz médiatique qui fait sensation, et la prise de mesures concrètes pour faire face aux vrais enjeux de notre temps ?

Fred Deion