samedi 17 novembre 2018

Comment nous protéger des prochaines crises ?

La première quinzaine de novembre a été riche en conférences à Genève. Commençons par celle de Jacques Attali, venu présenter son dernier livre "Comment nous protéger des prochaines crises ?", qui a donné le titre à sa conférence et à cet article.

En introduction, il a rappelé que la situation en 1900 promettait un XXème siècle heureux et paisible. Puis se sont succédé la 1ère guerre mondiale (18 millions de morts), la grippe espagnole en 1918 (30 à 100 millions de morts) , en 1929 la crise financière, puis économique, suivie du protectionnisme, d'une montée des nationalismes qui ont débouché sur la 2ème guerre mondiale (entre 50 et 85 millions de morts).

Il semble y avoir des similitudes entre les espoirs du début des années 1900 et le passage à l'an 2000. Cet optimisme s'est depuis tempéré, voire refroidi. Notre siècle se déroulera-t-il de manière identique au précédent ? Nos crises d'aujourd'hui se différencient-elles des événements d'hier ? Quelles sont-elles ?

1) Probabilité d'une nouvelle crise financière, après celle de 2008 (subprimes) : aucune régulation sérieuse n'ayant été mise en place ces 10 dernières années, la spéculation flambe sans contrôle et le surendettement public et privé atteint des sommets. Il y a une crise financière environ tous les 10-12 ans, cela pourrait donc arriver prochainement.

2) A la suite de la prochaine crise financière, une crise économique pourrait lui emboîter le pas, d'autant plus facilement que le contexte de montée des protectionnismes s'y prête.

3) Crise idéologique : même si l'économie de marché est devenue globale, celle-ci n'a pas permis à la démocratie d'être adoptée partout dans le monde. Au contraire, la concentration des richesses et la hausse des inégalités provoque un rejet des élites.

4) La crise environnementale se couple d'un risque de pénuries des ressources (eau, etc.), alors que l'accord de Paris n'est pas appliqué par les pays signataires...

5) Crise migratoire qui ne va aller qu'en s'amplifiant : 250 millions de migrants vivent sur un autre continent aujourd'hui, ce chiffre pourrait passer à un milliard de personnes qui vont migrer ces prochaines décennies. Cette situation va évidemment renforcer un repli identitaire et un appel au retour des frontières.

6) Crise géopolitique : En contrepoids aux rivalités US-Chine pour le contrôle des richesses, des technologies, des entreprises, des talents, l'Europe est divisée. Ce qui m'amène à la conférence suivante, puisque celle de Jacques Attali portait bien mal son nom (il n'a pas indiqué comment se protéger de ces crises, peut-être dans l'espoir que les auditeurs achètent son livre, ce que je ne ferai pas).

La conférence suivante, donc, traitait des rivalités à l'oeuvre au sein de notre continent. L'Union Européenne sera-t-elle la nouvelle Union soviétique qui s'est effondrée il y a 30 ans ?

Voici les facteurs de division à l'oeuvre :

1) L'euro est devenu un facteur de désintégration, car les économies européennes sont trop dissemblables. La crise financière puis économique de 2008 a particulièrement frappé les pays les plus faibles de la zone euro. En Grèce, l'austérité a tout simplement détruit la classe moyenne. L'euro survivra-t-il à la prochaine crise financière ?

2) La crise migratoire n'est pas gérée, une frange de la population et certains gouvernements s'opposent à l'accueil de réfugiés, alors que la population de la jeune Afrique va doubler d'ici 2050. Comment cette explosion démographique se traduira-t-elle en terme de pression migratoire ? Multiculturalisme ou multiconflictualité ?

3) L'Union Européenne a perdu de sa légitimité pour certains, ses élites sont remises en question, son manque de gouvernance démocratique est dénoncé. En réponse, Bruxelles veut sanctionner les voix dissonantes de l'Europe de l'Est ou d'ailleurs (Italie) qui critiquent les décisions prises. La Grande-Bretagne sera-t-elle la seule à quitter le navire européen ?

4) L'Europe peine à répondre aux menaces de sanctions américaines qui s'appliquent même en dehors des USA (extra-territorialité). D'un autre côté, la Chine fait ses emplettes, investissant et rachetant des entreprises européennes, alors que le continent continue à se déindustrialiser. Ainsi, l'Union Européenne est de moins en moins productive et de plus en plus surendettée.

Et comment la Suisse doit-elle répondre à ce contexte géopolitique ?

Deux épisodes historiques peuvent donner une piste.

Le premier se situe à la fin de Moyen-Age avec les guerres de Bourgogne (1474-1477). Lors de celles-ci, La Confédération Helvétique défend avec succès son axe commercial est-ouest, et donc son économie, grâce à son outil militaire.

Le deuxième est celui de la 2ème guerre mondiale, où la Suisse défend ses deux axes commerciaux (nord-sud et est-ouest) ainsi que sa place financière, en étant à la fois partenaire économique du IIIème reich et en opposant une armée dissuasive, retranchée dans son réduit national.

Aujourd'hui, face à aux menaces d'aujourd'hui, la Suisse peut s'enorgueillir de toujours contrôler ses deux axes commerciaux, et d'avoir maintenu sa place financière malgré les récentes crises et la fin du secret bancaire. Mais qu'en est-il de son outil militaire ?...