La propagande islamiste emploie, dans ses communiqués, une terminologie où la notion de djihad tient une place importante. Les croisés y sont également mentionnés. Ainsi, suite aux attentats de Bruxelles de mars 2016, leur revendication indique : "une cellule des soldats du Califat s'est élancée en direction de la Belgique croisée. (...) La crainte et l'effroi (ont été jetés) dans le cœur des croisés, en plein dans leur terre (...), des soldats du Califat (...) se sont élancés (...) pour tuer un grand nombre de croisés. (...) Nous promettons aux Etats croisés (...) des jours bien sombres."
Le choix de ce vocabulaire n'est évidemment pas anodin et renvoie à d'autres périodes tragiques de l'histoire. Jules Michelet nous ramène ainsi en l'an mil dans cette citation de son Histoire de France : "Il y avait bien longtemps que ces deux sœurs, ces deux moitiés de l'humanité, l'Europe et l'Asie, la religion chrétienne et la musulmane, s'étaient perdues de vue, lorsqu'elles furent replacées en face par la croisade, et qu'elles se regardèrent. Le premier coup d'œil fut d'horreur."
Voici donc un petit retour en arrière, en 1095, lorsque le pape Urbain II exhorte toute la chrétienté à prendre les armes pour établir sa souveraineté dans la lointaine Terre sainte. Dans le cadre de cette expédition guerrière, les soldats croisés sont nommés ainsi parce qu'ils portent une croix brodée sur leurs habits. A cette époque, les valeurs des chevaliers sont le courage et la force. L'Eglise tente de canaliser ces énergies belliqueuses en y instillant quelques notions chrétiennes : piété, protection du clergé et de ses biens. Le but suprême doit devenir la lutte contre l'infidèle. L'Eglise fait de la croisade l'idée d'une guerre juste, la chrétienté étant une patrie qu'il faut défendre contre l'agresseur. En juillet 1099, ce sont pourtant les croisés qui sont les agresseurs, lorsqu'ils prennent la ville de Jerusalem, pourtant surnommée "le Royaume des Cieux" : musulmans et juifs sont passés au fil de l'épée, les pillages et massacres durent deux jours. Ce comportement barbare et sanguinaire provoque une onde de choc dans tout le Proche-Orient, et laisse un souvenir durable.
L'auteur Amin Maalouf écrivait en 1983 dans Les Croisades vues par les Arabes : "L'Orient arabe voit toujours en l'Occident un ennemi naturel. Contre lui, tout acte hostile (...) n'est que revanche légitime. Et l'on ne peut douter que la cassure entre ces deux mondes date des croisades". Il ne pensait sûrement pas que les événements récents lui donneraient autant raison, ni que les derniers attentats teinteraient cette citation d'un air prophétique. Ces attaques démontrent que certains aujourd'hui nous en gardent encore rancune; leur définition du jihad renoue avec son sens de l'époque : chasser les mécréants et étendre l'Islam.
Voilà donc que les rôles s'inversent : d'agresseur au XIème siècle, l'Europe est maintenant agressée. Il appartient dès lors aux croisés du XXIème siècle de se défendre.
Fred Deion
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