mardi 18 juillet 2017

Alors, ce krach, c'est pour quand ?

En ce mois de juillet chaud et indolent, propice au farniente et à l'insouciance, il aura certainement échappé à certains lecteurs quelques petites phrases entendues ici ou là :

Commençons par les rencontres économiques d'Aix-en-Provence qui viennent de s'achever :

"Il y aura une nouvelle crise, je ne sais pas quand, mais ce dont je suis sûr c'est qu'elle pourrait être un évènement dramatique pour notre style de vie, pour la démocratie et les valeurs libérales", a mis en garde Paul Tucker, ancien vice-gouverneur de la Banque d'Angleterre (BoE).

Depuis la crise des subprimes (2007), "mis à part le fait qu'on ait plus de régulation aujourd'hui, la situation est pire d'un point de vue macroéconomique", a soutenu Alfonso Prat-Gay, ancien ministre argentin des Finances et du Budget. "Les prix de l'immobilier aux Etats-Unis sont revenus à des pics", a-t-il poursuivi, tandis que "les niveaux d'endettement aussi bien dans le secteur public que privé" atteignent des sommets.

Parmi les autres ombres au tableau citées par les experts, "la décennie de taux d'intérêt quasiment nuls a conduit à une prise de risque excessive par certains acteurs, par une survalorisation de certains marchés boursiers", a commenté pour sa part Catherine Lubochinsky, du Cercle des économistes, groupe de réflexion organisant l'événement.

En résumé : taux d'intérêt bas, explosion de la dette, créances douteuses, actions survalorisées : les excès de la finance ravivent, chez les experts réunis à ces rencontres économiques, les craintes d'un nouveau choc mondial, dix ans après une crise qui a bouleversé la planète.

Pendant cette dernière décennie, l'endettement des sociétés françaises non financières est ainsi passé de l'équivalent de 50% à 70% du produit intérieur brut (PIB), a affirmé la semaine passée l'Autorité des marchés financiers. "Une exception en Europe" qui pourrait se traduire par des "problèmes de solvabilité" en cas de remontée des taux ou de "choc sur l'économie".

Egalement la semaine passée, le Fonds monétaire international (FMI) a alerté de son côté sur les "risques négatifs" que peuvent représenter pour l'économie globale "l'incertitude sur les politiques dans les économies avancées" mais aussi "les vulnérabilités du secteur financier et un soudain durcissement des conditions financières".

Ailleurs en Europe, les problèmes des secteurs bancaires, notamment en Italie et au Portugal, continuent d'inquiéter. "Il n'est pas normal que des difficultés localisées pèsent à ce point sur l'image d'ensemble d'un secteur bancaire européen", a regretté le banquier central François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, toujours la semaine passée.

Et outre-Atlantique ? La Maison-Blanche a fait un pas de plus vers un allègement de la régulation bancaire en désignant M. Quarles comme régulateur en chef et en charge de la supervision. La désignation de ce financier bienveillant envers les grandes banques donne une nouvelle impulsion à la volonté de l'administration Trump d'alléger les garde-fous mis en place après la crise financière de 2007-2008 par la loi Dodd Frank (ces règles visent à éviter qu'une grande banque ne soit "trop importante pour faire faillite" (too big to fail) et qu'elle puisse être sauvée par l'argent des contribuables en cas de crise).  Dans une tribune au Wall Street Journal en 2016, M. Quarles s'était élevé "contre les conséquences d'une augmentation considérable des fonds propres des banques équivalant à une hausse du coût des crédits bancaires". L'administration Trump et des élus républicains veulent aussi alléger les tests de résistance des grandes banques et minimiser, voire faire disparaître, la règle "Volcker", qui limite la spéculation des banques pour leur propre compte. Même Mme Yellen (présidente de la Réserve fédérale) a mis en garde récemment contre la tentation de déréguler en oubliant les ravages provoqués par la crise financière de 2008.

Et en Chine ?  Pour assouvir leur soif de consommation, des millions de jeunes Chinois s'endettent sans compter, au point d'inquiéter le monde de la finance. Les faibles taux d'intérêt les encouragent à s'offrir des voitures neuves : le crédit auto augmente de 40% par an. La flambée du prix des logements fait également redouter une bulle immobilière. Ainsi, les emprunts des ménages ont augmenté de 19% en moyenne par an depuis 2011. A ce rythme, la dette des ménages doublera pour atteindre 8.600 milliards d'euros en 2020, en raison de l'abaissement des critères d'attribution de prêt aux particuliers. Subprime bis ?

En une décennie, la dette totale du pays est passée de 140% à 260% du PIB. L'investissement à crédit dans les infrastructures et l'immobilier a soutenu la croissance rapide de la Chine. Mais l'inquiétude augmente quant au fait que ces années de crédit gratuit pourraient conduire à une crise financière aux implications mondiales. Et le ralentissement de l'activité économique inquiète les marchés: l'agence Moody's a récemment abaissé la note de la dette chinoise, pour la première fois depuis près de 30 ans. L'agence Fitch estime elle que "des niveaux d'endettement élevés et croissants constituent un risque significatif" et "augmente la probabilité de chocs économiques et financiers". Le FMI s'est lui aussi inquiété le mois dernier des risques financiers qui pèsent sur le pays.

Alors, ce krach, c'est pour quand ? En mettant toutes ces pièces de puzzle ensemble, l'image finale sera celle d'un "perfect storm"  lorsqu'elle sera complète. Dans quelques mois ou dans quelques années ?

L'histoire récente des krachs peut nous aider à répondre :
  • l'euphorie des années 1980 a connu un terme avec le krach du lundi noir du 19 octobre 1987
  • 13 ans plus tard, l'éclatement de la bulle internet a débouché sur le krach de 2000-2001
  • 7 ans plus tard, la crise subprime a déclenché le krach de 2007-2008
Au vu de cette périodicité, et de la situation actuelle (présence de nombreuses bulles, endettement mondial, crise dans la zone euro (déclenchée par le défaut grec) et de banques européennes, dérégulation aux USA, bombe à retardement chinoise...), nul besoin d'être grand prophète pour prévoir le prochain krach au plus tard dans les années 2020, si pas avant. Mais attention, plus on tombe de haut, plus ça fait mal : ce sera the Big One, LE krach.

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